Fermez vos parapluies!

Le 3 juin 1878: Grand pèlerinage national au tombeau du B. Pierre Canisius à Fribourg.

But de ce pèlerinage: «Raviver et augmenter la foi dans les âmes; enflammer le zèle et la charité dans les cœurs au contact du Bienheureux Père Canisius, – faire acclamer solennellement Jésus-Christ, Roi immortel des siècles.»

Succès magnifique! Près de 20’000 pèlerinsvenus de tous les cantons de la Suisse! Mais le Père Schorderet devait payer cher ce succès : au lieu d’avoir pour cette journée le beau soleil du Bon Dieu, il plut toute la journée sans une minute d’arrêt. L’office pontifical eut lieu dans l’église des Cordeliers et dans l’église de Saint-Maurice. Mais une foule d’au moins 10’000 personnes stationnait sur la place du Collège, la place du Lycée et dans le grand verger du Collège. – Par une pluie torrentielle, ces pèlerins se rendirent au grand verger du Collège pour entendre un discours du Père Schorderet. Et sur son invitation, tous ou presque tous fermaient leur parapluie…!

Mgr Quartenoud a parlé du Père très peu de temps avant sa mort avec la sœur qui écrit ces lignes, et avec une vénération et une admiration profondes. Lui ayant demandé s’il se rappelait de la fameuse journée du 3 juin 1878, il répondit. «Certainement! Mais le plus intéressant est bien le fait que sur invitation de votre Père Fondateur, toute cette foule a fermé son parapluie. On aurait dit un chef d’armée donnant ses ordres à sa troupe… Et cela par une pluie torrentielle. Il fallait être le Chanoine Schorderet pour obtenir un résultat pareil! Il faut transmettre ce fait à vos jeunes!»

Extraits de Ecrits de Petite Mère Agnès. pp 14-15.


Le Père en prison

Nous sommes à la fin de l’année 1887. Et l’année 1888 sera l’année jubilaire sacerdotale du grand Pape Léon XIII. Le Père voulait qu’à Fribourg, ces Noces d’Or soient célébrées avec une solennité digne du grand pape… Or, plusieurs collaborateurs et amis du Père trouvaient qu’il ne fallait pas remuer terre et ciel pour ce jubilé. Le Père, par contre, ne voyait pas les choses ainsi.  Dans une réunion du Cercle catholique, dont il était le fondateur, le Père prit la liberté de faire allusion au peu d’empressement qu’il constatait chez les membres du Cercle pour la manifestation projetée. Au sortir de cette réunion, quelques-uns de ces messieurs décidèrent en secret de faire ce qu’ils appelaient «une farce» pour faire rester le Chanoine «turbulent un peu tranquille». Plus soucieux de «modérer le zèle du Chanoine «turbulent» que de faire preuve d’un surcroit de dévouement au Saint-Père,  ils demandèrent au préfet la permission de charger le gendarme du quartier de l’Auge de conduire le «Chanoine» (c’est ainsi qu’on appelait  le Père) «aux Augustins», s’il recommençait sa «harangue» dans une réunion dans ce quartier.

Le pauvre Père n’avait nullement connaissance du mauvais jeu dont il était menacé. Au soir du Nouvel An, il fit à l’auberge des Trois-Rois, vis-à-vis de son logement, une allocution vibrante aux membres des diverses Sociétés fondées par lui pendant son Rectorat dans la paroisse de Saint-Maurice, qu’il avait transformé. … Après l’heure règlementaire, le Père se rendait à son domicile. En mettant la clef dans la serrure de la porte d’entrée, il se voit en face d’un gendarme qui lui met la main sur l’épaule: «Chanoine, je vous prie de me suivre! – Le Père, surpris: Mais pour quel motif?» Le gendarme: «Je dois exécuter l’ordre qui m’a été donné. Veuillez me suivre.» – Le Père, sans mot dire, suivit le gendarme et passa la nuit et la journée du 2 janvier jusqu’au matin du 3 aux «Augustins», prison attenant à l’église de Saint-Maurice, paroisse transformée par le Père pendant sa charge de Recteur, paroisse à laquelle il avait donné  toute la mesure de son dévouement et de sa sollicitude, surtout pour la classe ouvrière et les pauvres!   Voilà le pauvre Père aux «Augustins», victime de l’odieuse «farce» de ces messieurs du Cercle catholique qui, après l’issue non prévue de leur mauvais procédé, assuraient qu’ils voulaient simplement faire peur au Chanoine pour qu’il reste tranquille; qu’il saura déjà se défendre! Mais ils n’avaient pas tenu compte de la vertu et de la magnanimité de ce vrai imitateur de Jésus-Christ et de son cher saint Paul.

Extrait de Ecrits de Petite Mère Agnès. pp. 94-95.


Avec ça…?

Dans les instructions, le Père rappelait souvent aux Premières leur départ pour Lyon le 27 avril 1874 et leur passage à Ferney pour demander la bénédiction de Mgr Mermillod. Le Père n’avait pas oublié l’exclamation de Monseigneur voyant ce petit groupe de jeunes filles: «Mais, Monsieur le Chanoine, c’est avec ça que vous voulez faire l’Œuvre de Saint Paul?» –   Le Père: «Oui, Monseigneur, c’est avec ça et la bénédiction du Bon Dieu, et la vôtre, Monseigneur.»

Mais l’illustre évêque exilé ne se contente pas de bénir ces «chères et jeunes enfants», futures apôtres de la presse, il voulut, dans une allocution touchante, raffermir leur courage et augmenter leur enthousiasme pour la nouvelle vocation qu’elles venaient d’embrasser: baptiser la presse pour l’élever à la dignité d’un apostolat.

Extrait de Ecrits de Petite Mère Agnès. pp 9-10.

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